Le haïku constitue certainement la plus proche mesure du silence. Sonore ou visuel, il est cet appel d’air qui habite le vide, le remplit de la force d’un immense potentiel.

Souffle premier…

N’oublions pas que le mot « poésie » vient du grec « poiein » c’est-à-dire « faire », « créer ».

Voilà bien le propre du calligraphe qui, d’« un seul souffle, un seul trait » reproduit à chaque fois l’acte démiurge. Toute calligraphie est en soi un prolongement du premier trait horizontal représentant le Tao : celui du chiffre un, qui sépare le non-manifesté du manifesté, le visible de l’invisible…

L’art subtil du haïku constitue quant à lui une épiphanie, il s’agit d’épingler par ses seuls sens un instant simple de la vie quotidienne et de le restituer sous l’angle le plus insolite qui soit. Car la vie malgré ses répétitions reste inédite.

Chez Aline Palau-Gazé, le sens premier, le plus présent, est bien sûr celui de la vue, regard du peintre, apparaissant en aplats de couleur et jaillissements d’encre tant dans la composition de ses poèmes que dans la fulgurance d’une « peinture calligraphique » l’accompagnant :

turquoise d’octobre
le héron cendré cisaille
les champs barbelés

Mais les autres sens fonctionnent parfois comme par synesthésie, venant compléter la vision, l’élargir :

fenouils hérissés
coquilles en chapelet –
l’odeur de la pluie

Les 4 saisons dans leurs tonalités principales fourmillent de tâches et d’images vagabondes.

Entre silence et trop plein de couleurs, il s’agit de saisir la juste sensation, celle qui vous prend et vous emporte, d’un sens à l’autre, d’une portion d’année à la suivante.

Rien ne change : impermanence des saisons, tout bascule : fugacité et fragilité de l’être…

Tout le reste n’est que souffle, il suffit de le capter…

Hélène PHUNG – Nattages, La Pierre – Février 2016

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